Chapitre 1: L'heure de la rencontre
Ginette était
une jeune fille ronde et joyeuse de 96 ans qui adorait cuisiner dans sa petite
cuisine rose au carrelage vert pomme. Tous les dimanches, elle confectionnait
son fameux gâteau chocolat-banane hyper calorique, une tarte aux pommes à la
crème fraîche, et un baba au rhum. Ensuite, Ginette culpabilisait, et comme
elle était très sportive, elle allait faire du jogging pour tenter de les
éliminer.
Elle allait au casino tous les
samedis, et s'était fait tatouer le signe du dollar sur le bras droit. Elle
était mauvaise perdante, devenait hargneuse et se mettait en colère dès qu'elle
perdait.
Elle passait des nuits blanches à
jouer aux jeux vidéos ou à faire des sudokus, car elle adorait les
mathématiques. D'ailleurs elle avait toujours des équations en tête.
De toute évidence, elle était heureuse
de pouvoir encore profiter de la vie.
Mais elle ignorait que La Mort
l'avait choisie comme victime, car elle estimait que Ginette avait assez vécu.
Par un triste après-midi pluvieux,
La Mort arriva de l'enfer, corps glacé, sourire carnassier, tenant dans sa main
squelettique une faux tranchante...
Ginette, insouciante, était en train
de cuisiner sa tarte aux pommes. Elle entendit sonner. Elle ouvrit la porte et
un vent glacial rentra chez elle. La Mort était là, face à la vieille dame.
- Vous devez mourir! dit-elle d'une
voix grondante.
- Pas besoin de me vouvoyer, dit
Ginette en souriant. Mais par contre je vous conseille d'aller acheter une
brosse à dents de bonne marque!
- Pardon??? Retirez tout de suite ce
que vous venez de dire!gronda La Mort.
- Ne le prenez pas mal, c'est juste
que...
- Stop! Je ne suis pas venue là pour
discuter. Tremblez, vous devez mourir!
Ginette sentit que son visiteur
était vexé et se dit que la moindre des politesses serait de lui proposer une
tasse de thé.
- Entrez donc, vous prendrez bien
une tasse de thé à la rose ou à la violette?
- Non! Je suis venu pour vous tuer.
Vous avez suffisamment profité de la vie!
- Puisque vous n'aimez pas le thé,
vous mangerez un bout de ma tarte aux pommes. Allez, entrez!
Elle fit entrer La Tueuse presque de
force, la fit s'asseoir et lui dit d'attendre.
Quand elle fut dans sa cuisine, La
Grande Faucheuse la rejoignit discrètement. Elle se tenait derrière Ginette,
menaçante. Mais quand la vieille dame se retourna, elle fut si surprise qu'elle
lâcha la tarte brûlante sur son pied. La Mort hurla de douleur, sautilla,
trébucha sur une haltère de Ginette qui traînait par terre, se rattrapa aux
rideaux qui tombèrent avec elle...
Elle fut si vexée, qu'elle s'en alla
en courant par la porte du jardin. Elle cria :
- Je me vengerai Ginette!
Celle-ci explosa de rire, elle
n'avait pas compris qu'elle l'avait échappé belle.
Elle venait de rajeunir de dix ans,
mais ne l'avait pas encore remarqué...
Chapitre 2: A deux doigts d'y passer
Ginette était résolue à brûler les
calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby
pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle
enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.
En chemin, elle ne put s'empêcher de
regarder les éclairs au chocolat à la vitrine de la boulangerie. Elle craqua et
s'en acheta un. Elle l'avala bien vite car elle culpabilisait, et s'étouffa. En
toussant, elle cracha son dentier. C'est alors qu'elle remarqua avec stupeur
que certaines de ses dents avaient repoussé...
- Il faudra que j'en parle à mon
dentiste, se dit-elle.
Elle reprit son footing et passa
devant les maisons aux jardins si joliment fleuris de ses voisins. Elle les
salua au passage sans s'arrêter, mais quand elle vit Germain qui la fixait de
ses beaux yeux bleus, elle ne put s'empêcher de ralentir.
- Bonjour madame Ginette, bafouilla
le charmant homme.
- Bonjour, monsieur Germain,
répondit Ginette en rougissant comme une tomate.
- Vous êtes ravissante! Vous avez
l'air plus en forme que d'habitude... Vous avez fait une coloration à vos
cheveux? s'étonna-t-il.
- Euh non! dit-elle, surprise par
cette question.
Alors elle lui fit son plus joli
sourire pour le remercier de ses gentillesses. Elle reprit sa course et se
sentit plus légère. Elle battit son record de tours de parking.
Mais La Mort n'avait pas abandonné
l'idée de faire passer Ginette de vie à trépas.
Elle arriva de l'au-delà, regard
mortel, haleine létale, tenant une hache déjà pleine de sang: elle venait de
tuer un pauvre homme. Son sourire était terrifiant, un oeil pendait hors de son
orbite, et on comprenait qu'elle allait mettre un plan démoniaque à exécution.
Sa cape ensanglantée volait au vent quand elle aperçut Ginette. Elle était
encore plus déterminée que la dernière fois.
Ginette sentit une présence dans son
dos et une odeur de pourriture. Elle accéléra en pensant que les voisins
fermaient mal leurs poubelles, et se mit à râler. La Mort se rapprochait de
plus en plus. A moins d'un mètre d'elle, elle tendit sa hache en l'air pour
trancher la vieille dame en deux... Mais le capuchon de de sa cape lui tomba
sur les yeux! Elle ne vit plus rien, et comme elle avait très peur du noir,
elle paniqua et se mit à courir dans tous les sens.
Ginette se retourna, et vit un
spectacle étonnant: quelqu'un, déguisé d'une cape, capuchon sur la tête,
gesticulant dans tous les sens, et se prenant un poteau...
Elle se tordit de rire, rit, rit, et
rit tellement... qu'elle rajeunit de dix ans...
- Je reviendrai Ginette! Marmona La
Mort en s'enfuyant, honteuse et verte de rage.
Son fou rire passé, Ginette rentra
chez elle, d'un pas plus léger que jamais.
Chapitre 3: Le sudoku de la mort
Bien installée dans son fauteuil à
bascule, Ginette lisait son journal. Elle tomba sur l'annonce d'un concours de
sudoku. Elle hurla de joie, sauta en l'air, dansa quelques pas de samba (elle
avait retrouvé un jeu de jambes inespéré) et prit dans sa cave sa meilleure
bouteille de champagne: elle devait fêter la nouvelle avec Germain. Elle
attendait ce concours depuis si longtemps!
Ginette s'empressa de rejoindre son
ami et lui annonça, haletante:
- Germain, Germain, vous avez lu la
nouvelle?
- Mais enfin Ginette, calmez-vous,
vous êtes en sueur! Avez-vous battu votre record de tours de parking?
- Mais non, Germain, le journal,
l'avez-vous lu?
- Oui, j'ai vu! Il y a des caleçons
en promotion...
- Mais non voyons! Je vous parle du
concours régional de sudoku!
- Ah oui! Vous parlez de cela! Eh
bien, je compte y participer aussi, j'espère arriver à vous battre!
Ils trinquèrent, burent deux coupes
de champagne et entamèrent une tarte aux pommes. Germain savait Ginette
gourmande, et il avait toujours quelques réserves pour les fois où elle passait
à l'improviste. Plus il regardait sa voisine préférée, plus il la trouvait
jolie et coquette. Il se dit que sa nouvelle coiffure lui donnait comme un coup
de jeune.
Puis Ginette rentra chez elle pour
s'entraîner. Elle se prépara du pop corn, fit une partie de Call Of Duty pour
s'échauffer (elle ne se sentait jamais aussi bien qu'après avoir mitraillé
quelques zombies) et fut enfin prête.
Elle attaqua un sudoku de niveau 9,
mais le résolut en trois minutes.
- Tiens, j'ai progressé, se
dit-elle. D'habitude, je mets bien vingt minutes!
Elle attaqua un niveau dix, puis
onze, puis douze. Au niveau quinze, elle bloqua, se creusa les méninges, mais
comme elle était mauvaise perdante, elle sentit la hargne l'envahir. Elle se
leva d'un bond, et s'en prit aux objets qui l'entouraient en les lançant à
travers la pièce.
La Mort, toujours résolue à éliminer
Ginette, mais beaucoup plus méfiante, était entrée par la fenêtre de sa chambre
restée ouverte. Annoncée par un souffle glacial, elle arrivait des ténèbres,
large et profonde cicatrice sur sa peau putréfiée, ses mains décomposées tenant
un poignard maculé de sang.
Elle descendit les escaliers
lentement, et s'approcha du salon où notre matheuse se défoulait sur tout ce
qu'elle trouvait en criant:
- Tu vas voir, sale bête, je
t'aurai! Tu ne me résisteras pas longtemps!
La Mort se dit que Ginette devait
s'énerver sur son chien, et qu'elle pourrait la tuer plus facilement puisqu'
elle était occupée par quelque chose. Elle se faufila dans le salon, et se
retrouva derrière la vieille dame énervée. Un filet de bave rouge pendant de sa
bouche hideuse, elle brandit son poignard . Elle s'apprêtait à le planter,
quand une balle de ping pong lancée par Ginette avec rage rebondit sur le
mur...et vint se ficher dans son orbite vide.
De surprise, elle lâcha son arme et
poussa un cri à vous glacer les os. Ginette fit volte face, mais ne put avoir
peur devant ce qu'elle voyait! Elle éclata encore de rire, annulant le pouvoir
de La Mort sur elle.
Hors d'elle, exaspérée, La Grande
Faucheuse sortit par la porte avec fracas en hurlant:
- Je l'aurai un jour, je l'aurai!
Ginette s'était calmée, et reprit
son carnet de sudokus et son crayon.
- Tiens, j'ai moins mal aux doigts,
mon arthrose me laisse un peu de répit on dirait...
Chapitre 4: Un déguisement trompeur
Ginette adorait la fête d'Halloween.
Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et
préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là,
elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle
espérait qu'il plairait à ses amis!
- Bon, se dit-elle, je vais
commencer par faire des petits fours en forme de chauves-souris pour
l'apéritif, confectionner des araignées en fils de réglisse, préparer du jus de
citrouille, puis m'attaquer à la décoration.
Elle s'activa toute la journée pour
transformer sa demeure en maison hantée. Elle était si occupée qu'elle en
oublia de goûter! Quand son estomac gargouilla, elle fit une pause et avala
quatre araignées et trois chauves-souris. Le soir venu, Ginette attendit ses
voisins avec impatience. Soudain, on sonna...
- Un bonbon ou un sort! Crièrent en
choeur les premiers invités.
Elle fit entrer Basile, son ancien
copain de lycée déguisé en loup-garou,Véronique et Jean-Pierre accoutrés en
chat noir et en Frankenstein, Liliane en horrible sorcière avec une énorme
verrue sur le nez. Puis entra Germain tout intimidé dans son costume de
vampire. Il portait un élégant smoking noir, une belle chemise blanche, et une
cape rouge. Il avait aussi un dentier aux canines longues et pointues et du
sang qui semblait couler au coin de ses lèvres.
- Quelle élégance, monsieur Dracula!
dit Ginette charmée.
- Je vous croquerais bien, madame
Citrouille, dit-il d'un air coquin.
Il ne manquait plus que sa voisine
Georgette, qui ne savait pas être à l'heure. Ginette mit une musique
entrainante, et tout le monde commença à danser et à faire honneur au buffet
d'Halloween. Germain regardait de travers le loup-garou qui dansait avec sa
citrouille préférée, et il allait commencer à bouder, quand la sonnette
retentit. La maîtresse de maison alla ouvrir.
- Georgette! Magnifique déguisement!
Quel réalisme! Tu fais froid dans le dos!
- Je suis La Mort! C'est votre
heure, Ginette!
- Allez, je t' ai reconnue
Georgette, petite farceuse, entre!
La fausse Georgette leva sa faux
pour trancher Ginette en deux. Tout le monde se mit à rire devant tant de
comédie, et Germain lui donna une tape amicale dans le dos. Déstabilisée, La
Grande Faucheuse qui n'était qu'un sac d'os, partit en avant et se prit les
pieds dans le tapis. Elle s'étala de tout son long dans le salon, provoquant un
fou rire général. Ginette, croyant que son amie s'était fait mal, se sentit
très gênée et demanda à Frankenstein de la porter sur le canapé.
- Repose-toi un moment, Georgette,
je t'amène quelques petits fours et un bon jus de citrouille pour te retaper.
Mais quand elle revint, elle ne
trouva personne... La Mort, déprimée par ses propres échecs, était repartie
discrètement en pleurant de rage. Quand Georgette sonna vraiment, personne ne
comprit qui s'était étalé dans le salon. Seule Ginette avait sa petite idée.
Germain l'invita à danser un slow. En posant ses mains sur les épaules de son
ami, elle vit que ses tâches de vieillesse avaient disparu. Elle se dit que sa
nouvelle crème achetée une fortune en pharmacie marchait du tonnerre!
Chapitre 5: Froid comme la mort
Il avait neigé toute la nuit, et les
branches nues des arbres du jardin semblaient avoir été saupoudrées de sucre
glace. Elles se découpaient joliment dans le ciel bleu délavé du petit matin et
cette vision de carte postale mit Ginette de bonne humeur. Son diabète ayant
miraculeusement disparu, elle avait repris ses habitudes alimentaires d'autrefois.
Elle se servit un petit déjeuner léger, composé de pudding, dattes, abricots
secs, biscottes beurrées de margarine et agrémentées de sirop d'érable, et but
deux cafés brûlants bien sucrés car elle projetait d'aller se promener et
d'affronter le froid.
Elle sortit ses skis de fond, enfila
sa doudoune et se coiffa d'une chapka en poils de ragondin. Une fois dehors,
elle hésita à se rendre chez Germain pour lui proposer de l'accompagner. Elle
trouvait que son ami avait pris un coup de vieux depuis quelques temps; ses
gestes devenaient lents, il se voûtait de plus en plus, il fatiguait; alors
qu'elle, se sentait dans une forme olympique. Mais comme il comptait beaucoup
pour elle, ses skis la dirigèrent naturellement vers lui.
En arrivant chez l'octogénaire dur
de la feuille, Ginette dut tambouriner durant un bon quart d'heure en hurlant
le prénom de son cher voisin.
- Voilà voilà, j'arrive, il finit
par dire en ouvrant la porte de son logis. Puis il ajouta, en découvrant
Ginette radieuse et emmitouflée dans sa doudoune jaune poussin:
- Oh Ginette, quelle bonne surprise
! Quel bon vent vous amène ? Quelle mine resplendissante et quelle jolie chapka
!
- N'est-ce pas qu'elle est
magnifique, approuva Ginette en passant ses doigts dans la fourrure soyeuse du
chapeau. Figurez-vous que c'est un prince russe qui me l'a offerte lors de mon
dernier voyage à Saint-Pétersbourg.
A ces mots, l'homme éprouva un petit
picotement de jalousie et s'en voulut terriblement de n'avoir jamais offert de
cadeau à cette voisine qu'il trouvait plus belle de jour en jour.
- C'est pas tout ça, reprit Ginette.
La neige est fraiche et le froid vivifiant, m'accompagnerez vous en promenade
dans les bois ? Puis, elle ajouta en chuchotant :
- Pendant que le loup n'y est pas...
Ils quittèrent le lotissement et
s'engagèrent sur un chemin qui menait à un petit bois.
La Mort y attendait Ginette. Cachée
derrière un arbre, un rictus maléfique déformait sa bouche et dans son regard
vide passait une inquiétante lueur rouge. Elle glaçait l'atmosphère dans un
rayon de cent mètres autour d'elle. Le petit cœur des oiseaux et des rongeurs
qui se trouvaient dans ce périmètre démoniaque, cessait de battre. Les insectes
eux-mêmes se figeaient, se recroquevillaient, et mouraient. La Grande Faucheuse
avait décidé d'éliminer celle qui était devenue son pire cauchemar d'une
perfide façon : d'abord l'engourdir, la paralyser par un froid terrible, pour
enfin profiter de son état de faiblesse et l'achever. Elle n'osait plus affronter
directement Ginette. La «vieille dame» lui avait fait perdre confiance, elle
doutait maintenant de ses capacités et hésitait à l'attaquer. Elle craignait
tellement d'échouer.
Le feu aux joues, effet du double
café et de ses efforts en ski de fond, Ginette ne sentait pas que l'air s'était
soudainement glacé. Quant à Germain, il ne pouvait pas davantage sentir le
grand froid : ses efforts physiques et ses sentiments pour Ginette le
réchauffaient. Une douce chaleur bienveillante enveloppait les deux compagnons.
Ils traversèrent le petit bois entourés d'un halo protecteur que le froid ne
pouvait traverser. Leur complicité et leur affection mutuelle les rendaient
invincibles.
Le sombre dessein de La Grande
Faucheuse ne put se réaliser... Elle émit un hululement lugubre, lancinant et
tourmenté.
De retour de promenade, Ginette
invita Germain à boire un thé aux herbes de cimetière, réputé donner de la
vitalité aux vivants.
Chapitre 6: Une fin sans fin
C'était le jour du cours d'aquagym.
Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain
favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle
serviette brodée de cup-cakes multicolores.
En route, elle passa prendre Germain
pour ce rendez-vous hebdomadaire.
- En route, mammouth! dit la
quadragénaire qui adorait les rimes.
- C'est parti mon yéti! répondit le
vieil homme qui raffolait du jeu.
Arrivés à la piscine, ils sortirent
leur carte d'abonnement, prirent chacun une cabine, et se retrouvèrent devant
le pédiluve. L'octogénaire trouva son amie très pétillante, et plus
appétissante qu'un cup-cake.
- Beau maillot! Magnifique ma bique!
- Vous n'êtes pas mal non plus, beau
vermoulu!
Mais La Mort était venue elle aussi.
Tapie au fond des vestiaires, plus enragée que jamais, le regard fou, elle
attendait le bon moment pour exécuter son plan diabolique: se glisser
discrètement au fond de l'eau et tirer Ginette par les pieds pour la noyer.
Un coup de sifflet annonça le début
du cours.
-Vamos! Quelques longueurrrrrs
pourrrrr s'échauffer, dit Julio, bel athlète espagnol et professeur d'a quagym.
- On fait une course? proposa
Ginette à Germain.
- Bonne idée, mais n'allez pas trop
vite... répondit-il déjà essoufflé à l'idée de poursuivre sa sirène.
Ils plongèrent plus ou moins
élégamment, et entamèrent leur première longueur.
La Mort profita du chahut ambiant
pour se glisser dans l'eau par l'échelle et mettre son plan à exécution. Mais
une fois le rebord de la piscine lâché, elle découvrit avec effroi... qu'elle
ne savait pas nager... et commença à se débattre en tous sens, paniquée, les
yeux de plus en plus rougeoyants à cause du chlore. Elle s'étouffait, l'eau
rentrait par tous ses orifices, par toutes ses plaies béantes. Elle vit sa vie
de criminelle défiler dans ses yeux moribonds. Et elle coula. Germain, qui
nageait la brasse, aperçut quelqu'un en train de se noyer. N'écoutant que son
courage, il accéléra en faisant un crawl digne d'un athlète de haut niveau,
plongea en canard et sauva la vie de La Mort.
Inconsolable et désespérée par ce
nouvel échec, La Grande Faucheuse, hoquetant, crachant et toussotant dit:
- J'abandonne, Ginette, je n'en peux
plus... Et puis... ce n'est plus votre heure!! Mais votre tour reviendra! Il
reviendra!
Et elle disparut.
Fière de son héros, Ginette embrassa
fougueusement Germain, sous les yeux ébahis du professeur d'aquagym. Le vieil
homme bomba le torse, se redressa de quelques centimètres, ses cheveux
reprirent de la couleur et ses maux de vieillesse disparurent...
( Posté par Eve Azouar et ses élèves )