mercredi 14 mai 2014

La vieille dame qui ne voulait pas mourir

 

 Chapitre 1: L'heure de la rencontre
Ginette était une jeune fille ronde et joyeuse de 96 ans qui adorait cuisiner dans sa petite cuisine rose au carrelage vert pomme. Tous les dimanches, elle confectionnait son fameux gâteau chocolat-banane hyper calorique, une tarte aux pommes à la crème fraîche, et un baba au rhum. Ensuite, Ginette culpabilisait, et comme elle était très sportive, elle allait faire du jogging pour tenter de les éliminer.  
Elle allait au casino tous les samedis, et s'était fait tatouer le signe du dollar sur le bras droit. Elle était mauvaise perdante, devenait hargneuse et se mettait en colère dès qu'elle perdait.
Elle passait des nuits blanches à jouer aux jeux vidéos ou à faire des sudokus, car elle adorait les mathématiques. D'ailleurs elle avait toujours des équations en tête.
De toute évidence, elle était heureuse de pouvoir encore profiter de la vie.

Mais elle ignorait que La Mort l'avait choisie comme victime, car elle estimait que Ginette avait assez vécu.

Par un triste après-midi pluvieux, La Mort arriva de l'enfer, corps glacé, sourire carnassier, tenant dans sa main squelettique une faux tranchante...
Ginette, insouciante, était en train de cuisiner sa tarte aux pommes. Elle entendit sonner. Elle ouvrit la porte et un vent glacial rentra chez elle. La Mort était là, face à la vieille dame.
- Vous devez mourir! dit-elle d'une voix grondante.
- Pas besoin de me vouvoyer, dit Ginette en souriant. Mais par contre je vous conseille d'aller acheter une brosse à dents de bonne marque!
- Pardon??? Retirez tout de suite ce que vous venez de dire!gronda La Mort.
- Ne le prenez pas mal, c'est juste que...
- Stop! Je ne suis pas venue là pour discuter. Tremblez, vous devez mourir!
Ginette sentit que son visiteur était vexé et se dit que la moindre des politesses serait de lui proposer une tasse de thé.
- Entrez donc, vous prendrez bien une tasse de thé à la rose ou à la violette?
- Non! Je suis venu pour vous tuer. Vous avez suffisamment profité de la vie!
- Puisque vous n'aimez pas le thé, vous mangerez un bout de ma tarte aux pommes. Allez, entrez!
Elle fit entrer La Tueuse presque de force, la fit s'asseoir et lui dit d'attendre.
Quand elle fut dans sa cuisine, La Grande Faucheuse la rejoignit discrètement. Elle se tenait derrière Ginette, menaçante. Mais quand la vieille dame se retourna, elle fut si surprise qu'elle lâcha la tarte brûlante sur son pied. La Mort hurla de douleur, sautilla, trébucha sur une haltère de Ginette qui traînait par terre, se rattrapa aux rideaux qui tombèrent avec elle...
Elle fut si vexée, qu'elle s'en alla en courant par la porte du jardin. Elle cria : 
- Je me vengerai Ginette!
Celle-ci explosa de rire, elle n'avait pas compris qu'elle l'avait échappé belle.

Elle venait de rajeunir de dix ans, mais ne l'avait pas encore remarqué...



Chapitre 2: A deux doigts d'y passer

Ginette était résolue à brûler les calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.

En chemin, elle ne put s'empêcher de regarder les éclairs au chocolat à la vitrine de la boulangerie. Elle craqua et s'en acheta un. Elle l'avala bien vite car elle culpabilisait, et s'étouffa. En toussant, elle cracha son dentier. C'est alors qu'elle remarqua avec stupeur que certaines de ses dents avaient repoussé...
- Il faudra que j'en parle à mon dentiste, se dit-elle.
Elle reprit son footing et passa devant les maisons aux jardins si joliment fleuris de ses voisins. Elle les salua au passage sans s'arrêter, mais quand elle vit Germain qui la fixait de ses beaux yeux bleus, elle ne put s'empêcher de ralentir.
- Bonjour madame Ginette, bafouilla le charmant homme.
- Bonjour, monsieur Germain, répondit Ginette en rougissant comme une tomate.
- Vous êtes ravissante! Vous avez l'air plus en forme que d'habitude... Vous avez fait une coloration à vos cheveux? s'étonna-t-il.
- Euh non! dit-elle, surprise par cette question.
Alors elle lui fit son plus joli sourire pour le remercier de ses gentillesses. Elle reprit sa course et se sentit plus légère. Elle battit son record de tours de parking.

Mais La Mort n'avait pas abandonné l'idée de faire passer Ginette de vie à trépas.
Elle arriva de l'au-delà, regard mortel, haleine létale, tenant une hache déjà pleine de sang: elle venait de tuer un pauvre homme. Son sourire était terrifiant, un oeil pendait hors de son orbite, et on comprenait qu'elle allait mettre un plan démoniaque à exécution. Sa cape ensanglantée volait au vent quand elle aperçut Ginette. Elle était encore plus déterminée que la dernière fois.

Ginette sentit une présence dans son dos et une odeur de pourriture. Elle accéléra en pensant que les voisins fermaient mal leurs poubelles, et se mit à râler. La Mort se rapprochait de plus en plus. A moins d'un mètre d'elle, elle tendit sa hache en l'air pour trancher la vieille dame en deux... Mais le capuchon de de sa cape lui tomba sur les yeux! Elle ne vit plus rien, et comme elle avait très peur du noir, elle paniqua et se mit à courir dans tous les sens.
Ginette se retourna, et vit un spectacle étonnant: quelqu'un, déguisé d'une cape, capuchon sur la tête, gesticulant dans tous les sens, et se prenant un poteau...
Elle se tordit de rire, rit, rit, et rit tellement... qu'elle rajeunit de dix ans...

- Je reviendrai Ginette! Marmona La Mort en s'enfuyant, honteuse et verte de rage.
Son fou rire passé, Ginette rentra chez elle, d'un pas plus léger que jamais.



Chapitre 3: Le sudoku de la mort

Bien installée dans son fauteuil à bascule, Ginette lisait son journal. Elle tomba sur l'annonce d'un concours de sudoku. Elle hurla de joie, sauta en l'air, dansa quelques pas de samba (elle avait retrouvé un jeu de jambes inespéré) et prit dans sa cave sa meilleure bouteille de champagne: elle devait fêter la nouvelle avec Germain. Elle attendait ce concours depuis si longtemps!
Ginette s'empressa de rejoindre son ami et lui annonça, haletante:
- Germain, Germain, vous avez lu la nouvelle?
- Mais enfin Ginette, calmez-vous, vous êtes en sueur! Avez-vous battu votre record de tours de parking?
- Mais non, Germain, le journal, l'avez-vous lu?
- Oui, j'ai vu! Il y a des caleçons en promotion...
- Mais non voyons! Je vous parle du concours régional de sudoku!
- Ah oui! Vous parlez de cela! Eh bien, je compte y participer aussi, j'espère arriver à vous battre!
Ils trinquèrent, burent deux coupes de champagne et entamèrent une tarte aux pommes. Germain savait Ginette gourmande, et il avait toujours quelques réserves pour les fois où elle passait à l'improviste. Plus il regardait sa voisine préférée, plus il la trouvait jolie et coquette. Il se dit que sa nouvelle coiffure lui donnait comme un coup de jeune.
Puis Ginette rentra chez elle pour s'entraîner. Elle se prépara du pop corn, fit une partie de Call Of Duty pour s'échauffer (elle ne se sentait jamais aussi bien qu'après avoir mitraillé quelques zombies) et fut enfin prête.
Elle attaqua un sudoku de niveau 9, mais le résolut en trois minutes.
- Tiens, j'ai progressé, se dit-elle. D'habitude, je mets bien vingt minutes!
Elle attaqua un niveau dix, puis onze, puis douze. Au niveau quinze, elle bloqua, se creusa les méninges, mais comme elle était mauvaise perdante, elle sentit la hargne l'envahir. Elle se leva d'un bond, et s'en prit aux objets qui l'entouraient en les lançant à travers la pièce.

La Mort, toujours résolue à éliminer Ginette, mais beaucoup plus méfiante, était entrée par la fenêtre de sa chambre restée ouverte. Annoncée par un souffle glacial, elle arrivait des ténèbres, large et profonde cicatrice sur sa peau putréfiée, ses mains décomposées tenant un poignard maculé de sang.
Elle descendit les escaliers lentement, et s'approcha du salon où notre matheuse se défoulait sur tout ce qu'elle trouvait en criant:
- Tu vas voir, sale bête, je t'aurai! Tu ne me résisteras pas longtemps!
La Mort se dit que Ginette devait s'énerver sur son chien, et qu'elle pourrait la tuer plus facilement puisqu' elle était occupée par quelque chose. Elle se faufila dans le salon, et se retrouva derrière la vieille dame énervée. Un filet de bave rouge pendant de sa bouche hideuse, elle brandit son poignard . Elle s'apprêtait à le planter, quand une balle de ping pong lancée par Ginette avec rage rebondit sur le mur...et vint se ficher dans son orbite vide.
De surprise, elle lâcha son arme et poussa un cri à vous glacer les os. Ginette fit volte face, mais ne put avoir peur devant ce qu'elle voyait! Elle éclata encore de rire, annulant le pouvoir de La Mort sur elle.
Hors d'elle, exaspérée, La Grande Faucheuse sortit par la porte avec fracas en hurlant:
- Je l'aurai un jour, je l'aurai!
Ginette s'était calmée, et reprit son carnet de sudokus et son crayon.
- Tiens, j'ai moins mal aux doigts, mon arthrose me laisse un peu de répit on dirait...



Chapitre 4: Un déguisement trompeur

Ginette adorait la fête d'Halloween. Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là, elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle espérait qu'il plairait à ses amis!
- Bon, se dit-elle, je vais commencer par faire des petits fours en forme de chauves-souris pour l'apéritif, confectionner des araignées en fils de réglisse, préparer du jus de citrouille, puis m'attaquer à la décoration.
Elle s'activa toute la journée pour transformer sa demeure en maison hantée. Elle était si occupée qu'elle en oublia de goûter! Quand son estomac gargouilla, elle fit une pause et avala quatre araignées et trois chauves-souris. Le soir venu, Ginette attendit ses voisins avec impatience. Soudain, on sonna...
- Un bonbon ou un sort! Crièrent en choeur les premiers invités.
Elle fit entrer Basile, son ancien copain de lycée déguisé en loup-garou,Véronique et Jean-Pierre accoutrés en chat noir et en Frankenstein, Liliane en horrible sorcière avec une énorme verrue sur le nez. Puis entra Germain tout intimidé dans son costume de vampire. Il portait un élégant smoking noir, une belle chemise blanche, et une cape rouge. Il avait aussi un dentier aux canines longues et pointues et du sang qui semblait couler au coin de ses lèvres.
- Quelle élégance, monsieur Dracula! dit Ginette charmée.
- Je vous croquerais bien, madame Citrouille, dit-il d'un air coquin.

Il ne manquait plus que sa voisine Georgette, qui ne savait pas être à l'heure. Ginette mit une musique entrainante, et tout le monde commença à danser et à faire honneur au buffet d'Halloween. Germain regardait de travers le loup-garou qui dansait avec sa citrouille préférée, et il allait commencer à bouder, quand la sonnette retentit. La maîtresse de maison alla ouvrir.
- Georgette! Magnifique déguisement! Quel réalisme! Tu fais froid dans le dos!
- Je suis La Mort! C'est votre heure, Ginette!
- Allez, je t' ai reconnue Georgette, petite farceuse, entre!
La fausse Georgette leva sa faux pour trancher Ginette en deux. Tout le monde se mit à rire devant tant de comédie, et Germain lui donna une tape amicale dans le dos. Déstabilisée, La Grande Faucheuse qui n'était qu'un sac d'os, partit en avant et se prit les pieds dans le tapis. Elle s'étala de tout son long dans le salon, provoquant un fou rire général. Ginette, croyant que son amie s'était fait mal, se sentit très gênée et demanda à Frankenstein de la porter sur le canapé.
- Repose-toi un moment, Georgette, je t'amène quelques petits fours et un bon jus de citrouille pour te retaper.
Mais quand elle revint, elle ne trouva personne... La Mort, déprimée par ses propres échecs, était repartie discrètement en pleurant de rage. Quand Georgette sonna vraiment, personne ne comprit qui s'était étalé dans le salon. Seule Ginette avait sa petite idée. Germain l'invita à danser un slow. En posant ses mains sur les épaules de son ami, elle vit que ses tâches de vieillesse avaient disparu. Elle se dit que sa nouvelle crème achetée une fortune en pharmacie marchait du tonnerre!



Chapitre 5: Froid comme la mort

Il avait neigé toute la nuit, et les branches nues des arbres du jardin semblaient avoir été saupoudrées de sucre glace. Elles se découpaient joliment dans le ciel bleu délavé du petit matin et cette vision de carte postale mit Ginette de bonne humeur. Son diabète ayant miraculeusement disparu, elle avait repris ses habitudes alimentaires d'autrefois. Elle se servit un petit déjeuner léger, composé de pudding, dattes, abricots secs, biscottes beurrées de margarine et agrémentées de sirop d'érable, et but deux cafés brûlants bien sucrés car elle projetait d'aller se promener et d'affronter le froid.

Elle sortit ses skis de fond, enfila sa doudoune et se coiffa d'une chapka en poils de ragondin. Une fois dehors, elle hésita à se rendre chez Germain pour lui proposer de l'accompagner. Elle trouvait que son ami avait pris un coup de vieux depuis quelques temps; ses gestes devenaient lents, il se voûtait de plus en plus, il fatiguait; alors qu'elle, se sentait dans une forme olympique. Mais comme il comptait beaucoup pour elle, ses skis la dirigèrent naturellement vers lui.

En arrivant chez l'octogénaire dur de la feuille, Ginette dut tambouriner durant un bon quart d'heure en hurlant le prénom de son cher voisin.
- Voilà voilà, j'arrive, il finit par dire en ouvrant la porte de son logis. Puis il ajouta, en découvrant Ginette radieuse et emmitouflée dans sa doudoune jaune poussin:
- Oh Ginette, quelle bonne surprise ! Quel bon vent vous amène ? Quelle mine resplendissante et quelle jolie chapka !
- N'est-ce pas qu'elle est magnifique, approuva Ginette en passant ses doigts dans la fourrure soyeuse du chapeau. Figurez-vous que c'est un prince russe qui me l'a offerte lors de mon dernier voyage à Saint-Pétersbourg.
A ces mots, l'homme éprouva un petit picotement de jalousie et s'en voulut terriblement de n'avoir jamais offert de cadeau à cette voisine qu'il trouvait plus belle de jour en jour.
- C'est pas tout ça, reprit Ginette. La neige est fraiche et le froid vivifiant, m'accompagnerez vous en promenade dans les bois ? Puis, elle ajouta en chuchotant :
- Pendant que le loup n'y est pas...

Ils quittèrent le lotissement et s'engagèrent sur un chemin qui menait à un petit bois.
La Mort y attendait Ginette. Cachée derrière un arbre, un rictus maléfique déformait sa bouche et dans son regard vide passait une inquiétante lueur rouge. Elle glaçait l'atmosphère dans un rayon de cent mètres autour d'elle. Le petit cœur des oiseaux et des rongeurs qui se trouvaient dans ce périmètre démoniaque, cessait de battre. Les insectes eux-mêmes se figeaient, se recroquevillaient, et mouraient. La Grande Faucheuse avait décidé d'éliminer celle qui était devenue son pire cauchemar d'une perfide façon : d'abord l'engourdir, la paralyser par un froid terrible, pour enfin profiter de son état de faiblesse et l'achever. Elle n'osait plus affronter directement Ginette. La «vieille dame» lui avait fait perdre confiance, elle doutait maintenant de ses capacités et hésitait à l'attaquer. Elle craignait tellement d'échouer.

Le feu aux joues, effet du double café et de ses efforts en ski de fond, Ginette ne sentait pas que l'air s'était soudainement glacé. Quant à Germain, il ne pouvait pas davantage sentir le grand froid : ses efforts physiques et ses sentiments pour Ginette le réchauffaient. Une douce chaleur bienveillante enveloppait les deux compagnons. Ils traversèrent le petit bois entourés d'un halo protecteur que le froid ne pouvait traverser. Leur complicité et leur affection mutuelle les rendaient invincibles.
Le sombre dessein de La Grande Faucheuse ne put se réaliser... Elle émit un hululement lugubre, lancinant et tourmenté. 
  
De retour de promenade, Ginette invita Germain à boire un thé aux herbes de cimetière, réputé donner de la vitalité aux vivants.



Chapitre 6: Une fin sans fin

C'était le jour du cours d'aquagym. Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle serviette brodée de cup-cakes multicolores.

En route, elle passa prendre Germain pour ce rendez-vous hebdomadaire.
- En route, mammouth! dit la quadragénaire qui adorait les rimes.
- C'est parti mon yéti! répondit le vieil homme qui raffolait du jeu.
Arrivés à la piscine, ils sortirent leur carte d'abonnement, prirent chacun une cabine, et se retrouvèrent devant le pédiluve. L'octogénaire trouva son amie très pétillante, et plus appétissante qu'un cup-cake.
- Beau maillot! Magnifique ma bique!
- Vous n'êtes pas mal non plus, beau vermoulu!

Mais La Mort était venue elle aussi. Tapie au fond des vestiaires, plus enragée que jamais, le regard fou, elle attendait le bon moment pour exécuter son plan diabolique: se glisser discrètement au fond de l'eau et tirer Ginette par les pieds pour la noyer.

Un coup de sifflet annonça le début du cours.
-Vamos! Quelques longueurrrrrs pourrrrr s'échauffer, dit Julio, bel athlète espagnol et professeur d'a quagym.
- On fait une course? proposa Ginette à Germain.
- Bonne idée, mais n'allez pas trop vite... répondit-il déjà essoufflé à l'idée de poursuivre sa sirène.
Ils plongèrent plus ou moins élégamment, et entamèrent leur première longueur.

La Mort profita du chahut ambiant pour se glisser dans l'eau par l'échelle et mettre son plan à exécution. Mais une fois le rebord de la piscine lâché, elle découvrit avec effroi... qu'elle ne savait pas nager... et commença à se débattre en tous sens, paniquée, les yeux de plus en plus rougeoyants à cause du chlore. Elle s'étouffait, l'eau rentrait par tous ses orifices, par toutes ses plaies béantes. Elle vit sa vie de criminelle défiler dans ses yeux moribonds. Et elle coula. Germain, qui nageait la brasse, aperçut quelqu'un en train de se noyer. N'écoutant que son courage, il accéléra en faisant un crawl digne d'un athlète de haut niveau, plongea en canard et sauva la vie de La Mort.

Inconsolable et désespérée par ce nouvel échec, La Grande Faucheuse, hoquetant, crachant et toussotant dit:
- J'abandonne, Ginette, je n'en peux plus... Et puis... ce n'est plus votre heure!! Mais votre tour reviendra! Il reviendra!
Et elle disparut.

Fière de son héros, Ginette embrassa fougueusement Germain, sous les yeux ébahis du professeur d'aquagym. Le vieil homme bomba le torse, se redressa de quelques centimètres, ses cheveux reprirent de la couleur et ses maux de vieillesse disparurent...

( Posté par Eve Azouar et ses élèves )

mardi 13 mai 2014

Chapitre 6: Une fin sans fin

(Les 5 premiers chapitres sont ici )


C'était le jour du cours d'aquagym. Ginette préparait ses affaires de piscine. Elle choisit son maillot de bain favori, celui avec l'imprimé du groupe Daft Punk, et prit sa plus belle serviette brodée de cup-cakes multicolores.

En route, elle passa prendre Germain pour ce rendez-vous hebdomadaire.
- En route, mammouth! dit la quadragénaire qui adorait les rimes.
- C'est parti mon yéti! répondit le vieil homme qui raffolait du jeu.
Arrivés à la piscine, ils sortirent leur carte d'abonnement, prirent chacun une cabine, et se retrouvèrent devant le pédiluve. L'octogénaire trouva son amie très pétillante, et plus appétissante qu'un cup-cake.
- Beau maillot! Magnifique ma bique!
- Vous n'êtes pas mal non plus, beau vermoulu!

Mais La Mort était venue elle aussi. Tapie au fond des vestiaires, plus enragée que jamais, le regard fou, elle attendait le bon moment pour exécuter son plan diabolique: se glisser discrètement au fond de l'eau et tirer Ginette par les pieds pour la noyer.

Un coup de sifflet annonça le début du cours.
-Vamos! Quelques longueurrrrrs pourrrrr s'échauffer, dit Julio, bel athlète espagnol et professeur d'a quagym.
- On fait une course? proposa Ginette à Germain.
- Bonne idée, mais n'allez pas trop vite... répondit-il déjà essoufflé à l'idée de poursuivre sa sirène.
Ils plongèrent plus ou moins élégamment, et entamèrent leur première longueur.

La Mort profita du chahut ambiant pour se glisser dans l'eau par l'échelle et mettre son plan à exécution. Mais une fois le rebord de la piscine lâché, elle découvrit avec effroi... qu'elle ne savait pas nager... et commença à se débattre en tous sens, paniquée, les yeux de plus en plus rougeoyants à cause du chlore. Elle s'étouffait, l'eau rentrait par tous ses orifices, par toutes ses plaies béantes. Elle vit sa vie de criminelle défiler dans ses yeux moribonds. Et elle coula. Germain, qui nageait la brasse, aperçut quelqu'un en train de se noyer. N'écoutant que son courage, il accéléra en faisant un crawl digne d'un athlète de haut niveau, plongea en canard et sauva la vie de La Mort.

Inconsolable et désespérée par ce nouvel échec, La Grande Faucheuse, hoquetant, crachant et toussotant dit:
- J'abandonne, Ginette, je n'en peux plus... Et puis... ce n'est plus votre heure!! Mais votre tour reviendra! Il reviendra!
Et elle disparut.

Fière de son héros, Ginette embrassa fougueusement Germain, sous les yeux ébahis du professeur d'aquagym. Le vieil homme bomba le torse, se redressa de quelques centimètres, ses cheveux reprirent de la couleur et ses maux de vieillesse disparurent...

lundi 14 avril 2014

Même pas peur

 (En réponse à "un lecteur anonyme, menace madame Dugenou")

Grand Dieu, quel effroi! Votre paire de lunettes menace de tomber sur votre dernier masque, cher corbeau en colère.

Du vert, du rose, du jaune... mais dites-moi, ne seriez-vous pas coquet par hasard?

Allons allons, si vous savez tout, réjouissons-nous: vous mourrez moins bête!

Au plaisir!

Signé: Mme Dugenou

dimanche 13 avril 2014

Un lecteur anonyme et en colère, menace madame Dugenou



Les cinq premiers chapitres du feuilleton des élèves d e CM2 de l'école Moulin Pergaud sont ici
Madame Dugenou VS Le lecteur en colère, à lire ici

jeudi 10 avril 2014

Chapitre 5: Froid comme la mort

Il avait neigé toute la nuit, et les branches nues des arbres du jardin semblaient avoir été saupoudrées de sucre glace. Elles se découpaient joliment dans le ciel bleu délavé du petit matin et cette vision de carte postale mit Ginette de bonne humeur. Son diabète ayant miraculeusement disparu, elle avait repris ses habitudes alimentaires d'autrefois. Elle se servit un petit déjeuner léger, composé de pudding, dattes, abricots secs, biscottes beurrées de margarine et agrémentées de sirop d'érable, et but deux cafés brûlants bien sucrés car elle projetait d'aller se promener et d'affronter le froid.

Elle sortit ses skis de fond, enfila sa doudoune et se coiffa d'une chapka en poils de ragondin. Une fois dehors, elle hésita à se rendre chez Germain pour lui proposer de l'accompagner. Elle trouvait que son ami avait pris un coup de vieux depuis quelques temps; ses gestes devenaient lents, il se voûtait de plus en plus, il fatiguait; alors qu'elle, se sentait dans une forme olympique. Mais comme il comptait beaucoup pour elle, ses skis la dirigèrent naturellement vers lui.

En arrivant chez l'octogénaire dur de la feuille, Ginette dut tambouriner durant un bon quart d'heure en hurlant le prénom de son cher voisin.
- Voilà voilà, j'arrive, il finit par dire en ouvrant la porte de son logis. Puis il ajouta, en découvrant Ginette radieuse et emmitouflée dans sa doudoune jaune poussin:
- Oh Ginette, quelle bonne surprise ! Quel bon vent vous amène ? Quelle mine resplendissante et quelle jolie chapka !
- N'est-ce pas qu'elle est magnifique, approuva Ginette en passant ses doigts dans la fourrure soyeuse du chapeau. Figurez-vous que c'est un prince russe qui me l'a offerte lors de mon dernier voyage à Saint-Pétersbourg.
A ces mots, l'homme éprouva un petit picotement de jalousie et s'en voulut terriblement de n'avoir jamais offert de cadeau à cette voisine qu'il trouvait plus belle de jour en jour.
- C'est pas tout ça, reprit Ginette. La neige est fraiche et le froid vivifiant, m'accompagnerez vous en promenade dans les bois ? Puis, elle ajouta en chuchotant :
- Pendant que le loup n'y est pas...

Ils quittèrent le lotissement et s'engagèrent sur un chemin qui menait à un petit bois.
La Mort y attendait Ginette. Cachée derrière un arbre, un rictus maléfique déformait sa bouche et dans son regard vide passait une inquiétante lueur rouge. Elle glaçait l'atmosphère dans un rayon de cent mètres autour d'elle. Le petit cœur des oiseaux et des rongeurs qui se trouvaient dans ce périmètre démoniaque, cessait de battre. Les insectes eux-mêmes se figeaient, se recroquevillaient, et mouraient. La Grande Faucheuse avait décidé d'éliminer celle qui était devenue son pire cauchemar d'une perfide façon : d'abord l'engourdir, la paralyser par un froid terrible, pour enfin profiter de son état de faiblesse et l'achever. Elle n'osait plus affronter directement Ginette. La «vieille dame» lui avait fait perdre confiance, elle doutait maintenant de ses capacités et hésitait à l'attaquer. Elle craignait tellement d'échouer.

Le feu aux joues, effet du double café et de ses efforts en ski de fond, Ginette ne sentait pas que l'air s'était soudainement glacé. Quant à Germain, il ne pouvait pas davantage sentir le grand froid : ses efforts physiques et ses sentiments pour Ginette le réchauffaient. Une douce chaleur bienveillante enveloppait les deux compagnons. Ils traversèrent le petit bois entourés d'un halo protecteur que le froid ne pouvait traverser. Leur complicité et leur affection mutuelle les rendaient invincibles.
Le sombre dessein de La Grande Faucheuse ne put se réaliser... Elle émit un hululement lugubre, lancinant et tourmenté. 
  
De retour de promenade, Ginette invita Germain à boire un thé aux herbes de cimetière, réputé donner de la vitalité aux vivants.
 

Des nouvelles du genou de madame Dugenou

 ( en réponse à "Madame Dugenou, sachez que..." a voir et à entendre ici )

Cher lecteur en colère,

Vous qui vous régalez de nos chapitres, êtes-vous repu? Je ne vous entends plus...

Vous vous décrivez comme «un être doux, aimable et affable» dans votre dernier message. Soit! Mais depuis quand n'avez-vous pas pris des nouvelles de mon genou? Votre amabilité aurait-elle des limites? Qu'à cela ne tienne, je vous en donne!

Figurez- vous que je me rends quotidiennement dans un centre de rééducation des membres inférieurs. J'ai beau leur expliquer que mon genou à moi est devenu un membre Supérieur, une véritable muse, qui m'a propulsée co-vedette d'un blog à la pointe de l'innovation pédagogique, l'équipe de kinésithérapeutes continue de nous regarder comme un banal couple à rééduquer. Et vas-y que j'te triture, que je t'attache le pied à une poulie, «flexion!extension!», que je t'envoie pédaler (et ça n'avance même pas!), pousser des poids en fonte, marcher sur un tapis de marche interminable et sans paysage... Tant et si bien que si mon genou guérit, mes jambes, elles, ne me portent plus à la fin de la journée...

Heureusement, me restent ma tête, ma remplaçante et mes plans à cloche-pieds, qui permettent à mes élèves et à Ginette de poursuivre leur incroyable aventure. Et m'est avis que je verrai bientôt Frédéric Kessler sans mes béquilles...

En attendant, je vous offre à lire un chapitre 5 réfrigérant, régalez vous!

Au plaisir!

Signé Madame Dugenou

lundi 7 avril 2014

Chapitre 4: Un déguisement trompeur

 ( les autres chapitres sont )

Ginette adorait la fête d'Halloween. Chaque année elle s'achetait un nouveau déguisement, décorait sa maison et préparait une fête pour quelques amis et voisins du quartier. Cette année là, elle choisit un magnifique costume de citrouille au sourire cruel. Elle espérait qu'il plairait à ses amis!
- Bon, se dit-elle, je vais commencer par faire des petits fours en forme de chauves-souris pour l'apéritif, confectionner des araignées en fils de réglisse, préparer du jus de citrouille, puis m'attaquer à la décoration.
Elle s'activa toute la journée pour transformer sa demeure en maison hantée. Elle était si occupée qu'elle en oublia de goûter! Quand son estomac gargouilla, elle fit une pause et avala quatre araignées et trois chauves-souris. Le soir venu, Ginette attendit ses voisins avec impatience. Soudain, on sonna...
- Un bonbon ou un sort! crièrent en choeur les premiers invités.
Elle fit entrer Basile, son ancien copain de lycée déguisé en loup-garou,Véronique et Jean-Pierre accoutrés en chat noir et en Frankenstein, Liliane en horrible sorcière avec une énorme verrue sur le nez. Puis entra Germain tout intimidé dans son costume de vampire. Il portait un élégant smoking noir, une belle chemise blanche, et une cape rouge. Il avait aussi un dentier aux canines longues et pointues et du sang qui semblait couler au coin de ses lèvres.
- Quelle élégance, monsieur Dracula! dit Ginette charmée.
- Je vous croquerais bien, madame Citrouille, dit-il d'un air coquin.

Il ne manquait plus que sa voisine Georgette, qui ne savait pas être à l'heure. Ginette mit une musique entrainante, et tout le monde commença à danser et à faire honneur au buffet d'Halloween. Germain regardait de travers le loup-garou qui dansait avec sa citrouille préférée, et il allait commencer à bouder, quand la sonnette retentit. La maîtresse de maison alla ouvrir.
- Georgette! Magnifique déguisement! Quel réalisme! Tu fais froid dans le dos!
- Je suis La Mort! C'est votre heure, Ginette!
- Allez, je t' ai reconnue Georgette, petite farceuse, entre!
La fausse Georgette leva sa faux pour trancher Ginette en deux. Tout le monde se mit à rire devant tant de comédie, et Germain lui donna une tape amicale dans le dos. Déstabilisée, La Grande Faucheuse qui n'était qu'un sac d'os, partit en avant et se prit les pieds dans le tapis. Elle s'étala de tout son long dans le salon, provoquant un fou rire général. Ginette, croyant que son amie s'était fait mal, se sentit très gênée et demanda à Frankenstein de la porter sur le canapé.
- Repose-toi un moment, Georgette, je t'amène quelques petits fours et un bon jus de citrouille pour te retaper.
Mais quand elle revint, elle ne trouva personne... La Mort, déprimée par ses propres échecs, était repartie discrètement en pleurant de rage. Quand Georgette sonna vraiment, personne ne comprit qui s'était étalé dans le salon. Seule Ginette avait sa petite idée. Germain l'invita à danser un slow. En posant ses mains sur les épaules de son ami, elle vit que ses tâches de vieillesse avaient disparu. Elle se dit que sa nouvelle crème achetée une fortune en pharmacie marchait du tonnerre!

jeudi 3 avril 2014

A propos du chapitre trois

Mesdames et messieurs mes chers auteurs de l’école Moulin Pergaud,
Comme toujours je lis et relis votre prose avec beaucoup de plaisir.
Cette fois c’est presque parfait, si ce n’est quelques bricoles que vous déciderez peut-être de modifier:

- Ginette et La Mort sont très différentes. Ginette est une bonne vivante, gourmande, et malicieuse. La Mort est puante, pourrie, colérique et revancharde. Cependant, dans le chapitre trois Ginette se met en colère et elle emploie une expression qui ressemble à s’y méprendre à une chose que dit régulièrement la mort : «Je t’aurai». Si j’étais vous je ferais attention à bien respecter le caractère particulier de chacun de vos deux personnages principaux, afin que toujours ils se distinguent. Ainsi la mort pique des colères alors que Ginette trouve toujours le moyen de résoudre ses problèmes. Et si elle avait une devise, ce pourrait être : «il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions».

- D’autre part l’expression «je l’aurai, je l’aurai» qui revient et reviendra comme un Leitmotiv au cours de votre récit évoque une blague récurrente d’une émission de télévision des année 80, qui a été reprise depuis par la publicité, n’est ce pas dommage? Vous pourriez peut être créer votre Leitmotiv de La Mort à vous. Qu’en pensez vous?

Ceci étant dit, je retourne relire votre chapitre 3 en attendant impatiemment le 4 que vous nous préparez dans le plus grand des secrets...

En vous remerciant pour votre beau travail d’écriture,

Frédéric Kessler, votre fidèle lecteur.

lundi 24 mars 2014

Chapitre 3: Le sudoku de la mort


Bien installée dans son fauteuil à bascule, Ginette lisait son journal. Elle tomba sur l'annonce d'un concours de sudoku. Elle hurla de joie, sauta en l'air, dansa quelques pas de samba (elle avait retrouvé un jeu de jambes inespéré) et prit dans sa cave sa meilleure bouteille de champagne: elle devait fêter la nouvelle avec Germain. Elle attendait ce concours depuis si longtemps!
Ginette s'empressa de rejoindre son ami et lui annonça, haletante:
- Germain, Germain, vous avez lu la nouvelle?
- Mais enfin Ginette, calmez-vous, vous êtes en sueur! Avez-vous battu votre record de tours de parking?
- Mais non, Germain, le journal, l'avez-vous lu?
- Oui, j'ai vu! Il y a des caleçons en promotion...
- Mais non voyons! Je vous parle du concours régional de sudoku!
- Ah oui! Vous parlez de cela! Eh bien, je compte y participer aussi, j'espère arriver à vous battre!
Ils trinquèrent, burent deux coupes de champagne et entamèrent une tarte aux pommes. Germain savait Ginette gourmande, et il avait toujours quelques réserves pour les fois où elle passait à l'improviste. Plus il regardait sa voisine préférée, plus il la trouvait jolie et coquette. Il se dit que sa nouvelle coiffure lui donnait comme un coup de jeune.
Puis Ginette rentra chez elle pour s'entraîner. Elle se prépara du pop corn, fit une partie de Call Of Duty pour s'échauffer (elle ne se sentait jamais aussi bien qu'après avoir mitraillé quelques zombies) et fut enfin prête.
Elle attaqua un sudoku de niveau 9, mais le résolut en trois minutes.
- Tiens, j'ai progressé, se dit-elle. D'habitude, je mets bien vingt minutes!
Elle attaqua un niveau dix, puis onze, puis douze. Au niveau quinze, elle bloqua, se creusa les méninges, mais comme elle était mauvaise perdante, elle sentit la hargne l'envahir. Elle se leva d'un bond, et s'en prit aux objets qui l'entouraient en les lançant à travers la pièce.

La Mort, toujours résolue à éliminer Ginette, mais beaucoup plus méfiante, était entrée par la fenêtre de sa chambre restée ouverte. Annoncée par un souffle glacial, elle arrivait des ténèbres, large et profonde cicatrice sur sa peau putréfiée, ses mains décomposées tenant un poignard maculé de sang.
Elle descendit les escaliers lentement, et s'approcha du salon où notre matheuse se défoulait sur tout ce qu'elle trouvait en criant:
- Tu vas voir, sale bête, je t'aurai! Tu ne me résisteras pas longtemps!
La Mort se dit que Ginette devait s'énerver sur son chien, et qu'elle pourrait la tuer plus facilement puisqu' elle était occupée par quelque chose. Elle se faufila dans le salon, et se retrouva derrière la vieille dame énervée. Un filet de bave rouge pendant de sa bouche hideuse, elle brandit son poignard . Elle s'apprêtait à le planter, quand une balle de ping pong lancée par Ginette avec rage rebondit sur le mur...et vint se ficher dans son orbite vide.
De surprise, elle lâcha son arme et poussa un cri à vous glacer les os. Ginette fit volte face, mais ne put avoir peur devant ce qu'elle voyait! Elle éclata encore de rire, annulant le pouvoir de La Mort sur elle.
Hors d'elle, exaspérée, La Grande Faucheuse sortit par la porte avec fracas en hurlant:
- Je l'aurai un jour, je l'aurai!
Ginette s'était calmée, et reprit son carnet de sudokus et son crayon.
- Tiens, j'ai moins mal aux doigts, mon arthrose me laisse un peu de répit on dirait...

mardi 18 mars 2014

Madame Dugenou, sachez que...

En réponse à "Un malin plaisir" à lire ici





Episode 1 et 2 du feuilleton des élèves de l'école Moulin Pergaud à lire ici

A propos du chapitre II

Mes chers confrères, Auteurs de l’école Moulin Pergaud,

Une fois de plus je me suis régalé à vous lire, à vous relire et vous rerelire.
Le deuxième épisode de votre feuilleton est un tel régal, que déjà, je me pourlèche les babines à l’idée de dévorer le troisième.

Je ne sais pas vous? Mais pour ma part, j’ai confiance dans l’intelligence du lecteur. Aussi, je ne lui dis pas tout, et lui laisse le soin de deviner certaines choses tout seul.

A présent, le lecteur de votre roman sait ce qu’il va advenir de Ginette et qu’elle va perdre 10 ans à chaque chapitre. Vous nous l’avez annoncé dès le premier épisode «elle venait de perdre dix ans...» puis vous enfoncez le clou au deuxième: «elle se tordit de rire, et rit tellement... qu’elle rajeunit de dix ans.» Si j’étais vous, je modifierais un tout petit peu le 1er chapitre en trouvant une astuce pour le dire sans le dire et donner au lecteur la possibilité de le deviner sans en être complètement sûr. Dans le second chapitre, c’est encore plus simple, vous pourriez supprimer purement et simplement «qu’elle rajeunit de dix ans» car les indices ( les dents qui repoussent, l’homme qui regarde Ginette, et la couleur des cheveux) suffisent au lecteur pour deviner tout seul. Ceux qui avaient déjà flairé cette piste dans le premier chapitre, se diront: «je le savais!» et se sentiront très intelligents. Quant aux autres, ils commenceront à comprendre à la lecture du second épisode, et se sentiront très intelligents en découvrant les nouveaux indices que vous déposerez à leur intention dans le chapitre 3.

Qu’en pensez-vous?

En vous saluant cordialement,

Frédéric.


lundi 24 février 2014

Chapitre 2: A deux doigts d'y passer

 (Le chapitre 1 est ici)

Ginette était résolue à brûler les calories de son dernier baba au rhum. Elle se dit qu'aller à son club de rugby pour femmes âgées après un jogging serait une bonne idée pour y parvenir. Elle enfila son survêtement rose fluo et choisit ses baskets vertes.

En chemin, elle ne put s'empêcher de regarder les éclairs au chocolat à la vitrine de la boulangerie. Elle craqua et s'en acheta un. Elle l'avala bien vite car elle culpabilisait, et s'étouffa. En toussant, elle cracha son dentier. C'est alors qu'elle remarqua avec stupeur que certaines de ses dents avaient repoussé...
- Il faudra que j'en parle à mon dentiste, se dit-elle.
Elle reprit son footing et passa devant les maisons aux jardins si joliment fleuris de ses voisins. Elle les salua au passage sans s'arrêter, mais quand elle vit Germain qui la fixait de ses beaux yeux bleus, elle ne put s'empêcher de ralentir.
- Bonjour madame Ginette, bafouilla le charmant homme.
- Bonjour, monsieur Germain, répondit Ginette en rougissant comme une tomate.
- Vous êtes ravissante! Vous avez l'air plus en forme que d'habitude... Vous avez fait une coloration à vos cheveux? s'étonna-t-il.
- Euh non! dit-elle, surprise par cette question.
Alors elle lui fit son plus joli sourire pour le remercier de ses gentillesses. Elle reprit sa course et se sentit plus légère. Elle battit son record de tours de parking.

Mais La Mort n'avait pas abandonné l'idée de faire passer Ginette de vie à trépas.
Elle arriva de l'au-delà, regard mortel, haleine létale, tenant une hache déjà pleine de sang: elle venait de tuer un pauvre homme. Son sourire était terrifiant, un oeil pendait hors de son orbite, et on comprenait qu'elle allait mettre un plan démoniaque à exécution. Sa cape ensanglantée volait au vent quand elle aperçut Ginette. Elle était encore plus déterminée que la dernière fois.

Ginette sentit une présence dans son dos et une odeur de pourriture. Elle accéléra en pensant que les voisins fermaient mal leurs poubelles, et se mit à râler. La Mort se rapprochait de plus en plus. A moins d'un mètre d'elle, elle tendit sa hache en l'air pour trancher la vieille dame en deux... Mais le capuchon de de sa cape lui tomba sur les yeux! Elle ne vit plus rien, et comme elle avait très peur du noir, elle paniqua et se mit à courir dans tous les sens.
Ginette se retourna, et vit un spectacle étonnant: quelqu'un, déguisé d'une cape, capuchon sur la tête, gesticulant dans tous les sens, et se prenant un poteau...
Elle se tordit de rire, rit, rit, et rit tellement... qu'elle rajeunit de dix ans...

- Je reviendrai Ginette! Marmona La Mort en s'enfuyant, honteuse et verte de rage.
Son fou rire passé, Ginette rentra chez elle, d'un pas plus léger que jamais.

( Posté par Eve Azouar et ses élèves.)

dimanche 23 février 2014

Un malin plaisir


(En réponse à:"L'intolérable attente")

Cher lecteur en colère,

Quel malin plaisir je prends à vous retrouver.
Je vous devinais grognon, je ne mesurais pas à quel point!

Sachez que si nous distillons notre histoire au compte-goutte, c'est que nous voulons créer chez nos lecteurs, ce sentiment de fébrile impatience et de manque, auxquels vous avez succombé (à notre grande joie).
C'était bien entendu l'effet recherché et vous êtes donc le lecteur parfait!
Votre impatience à nous lire vous rendrait presque sympathique. Prenez garde.

Signé : Mme Dugenou

(Posté par Eve Azouar, enseignante à l'école Moulin Pergaud)

jeudi 20 février 2014

Secrets de fabrication

En réponse à: " A propos du chapitre 1"


Nous voulons bien vous dévoiler quelques secrets de fabrication de notre histoire… Nous avons bien une sorte de plan avant d’écrire. En fait, nous avons une idée principale par chapitre, avec quelques détails à mettre dedans. Par contre, la fin de notre récit n’est pas encore fixée, nous ne savons toujours pas ce qui arrivera à Ginette.

En relisant notre 1er chapitre, nous nous sommes aussi rendus compte qu’il fallait travailler plus sur la description de la mort au chapitre suivant, la rendre plus terrifiante, en essayant de ne pas être trop "gore"! C'est ce que nous faisons en ce moment en classe.

A bientôt!

Pour la classe, Suzie et Wassim




(Posté par Eve Azouar, enseignante à l'école Moulin Pergaud)

L'Intolérable attente

(En réponse à:"Les épines tibiales")

Madame Dugenou,

Certes vos élèves ont donné à lire au monde, et le monde les en remercie.
Mais à présent le monde en redemande, et il n’a rien à se mettre sous la dent.

Pour ma part, et pour ne pas errer comme une âme en peine en attendant le
second chapitre des aventures de Ginette, je lis, relis, et rerelis, encore et encore
le premier chapitre, tant et si bien que je le connais par cœur.

C’est intolérable !

Signé :  Un fidèle lecteur de vos élèves, en colère.

( La réponse de Madame Dugenou, est ici

samedi 15 février 2014

A propos du chapitre 1


Mes chers auteurs de l’école Moulin Pergaud,

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre premier épisode, que j’ai dévoré littéralement. Maintenant je le sais, vous êtes des auteurs!

En lisant et en relisant votre texte, je me demande quel genre d’écrivains vous êtes. Êtes vous de ceux qui font un plan de leur roman avant de commencer? Pour ma part je n’en fais pas. En revanche, je ne peux envisager d’écrire la moindre ligne, tant que je n’ai pas la fin de l’histoire en tête. Avez vous déjà imaginé la fin de votre récit?

La description de Ginette est tout à fait savoureuse. Et m'est avis que vous tenez là votre personnage principal, tant et si bien, que je m’y suis déjà attaché.
Cependant, je pense que votre description de la mort est trop succincte. Certes, je me suis beaucoup amusé à voir la mort déguerpir par la porte du jardin, mais il me semble que cela aurait été plus drôle encore si vous aviez pris le temps de nous ficher la trouille lorsqu’elle entre en scène. Qu’en pensez-vous?

Impatient de lire la suite,

Frédéric Kessler

lundi 10 février 2014

Chapitre 1: L'heure de la rencontre

Ginette était une jeune fille ronde et joyeuse de 96 ans qui adorait cuisiner dans sa petite cuisine rose au carrelage vert pomme. Tous les dimanches, elle confectionnait son fameux gâteau chocolat-banane hyper calorique, une tarte aux pommes à la crème fraîche, et un baba au rhum. Ensuite, Ginette culpabilisait, et comme elle était très sportive, elle allait faire du jogging pour tenter de les éliminer.
Elle allait au casino tous les samedis, et s'était fait tatouer le signe du dollar sur le bras droit. Elle était mauvaise perdante, devenait hargneuse et se mettait en colère dès qu'elle perdait.
Elle passait des nuits blanches à jouer aux jeux vidéos ou à faire des sudokus, car elle adorait les mathématiques. D'ailleurs elle avait toujours des équations en tête.
De toute évidence, elle était heureuse de pouvoir encore profiter de la vie.

Mais elle ignorait que La Mort l'avait choisie comme victime, car elle estimait que Ginette avait assez vécu.

Par un triste après-midi pluvieux, La Mort arriva de l'enfer, corps glacé, sourire carnassier, tenant dans sa main squelettique une faux tranchante...
Ginette, insouciante, était en train de cuisiner sa tarte aux pommes. Elle entendit sonner. Elle ouvrit la porte et un vent glacial rentra chez elle. La Mort était là, face à la vieille dame.
- Vous devez mourir! dit-elle d'une voix grondante.
- Pas besoin de me vouvoyer, dit Ginette en souriant. Mais par contre je vous conseille d'aller acheter une brosse à dents de bonne marque!
- Pardon??? Retirez tout de suite ce que vous venez de dire!gronda La Mort.
- Ne le prenez pas mal, c'est juste que...
- Stop! Je ne suis pas venue là pour discuter. Tremblez, vous devez mourir!
Ginette sentit que son visiteur était vexé et se dit que la moindre des politesses serait de lui proposer une tasse de thé.
- Entrez donc, vous prendrez bien une tasse de thé à la rose ou à la violette?
- Non! Je suis venu pour vous tuer. Vous avez suffisamment profité de la vie!
- Puisque vous n'aimez pas le thé, vous mangerez un bout de ma tarte aux pommes. Allez, entrez!
Elle fit entrer La Tueuse presque de force, la fit s'asseoir et lui dit d'attendre.
Quand elle fut dans sa cuisine, La Grande Faucheuse la rejoignit discrètement. Elle se tenait derrière Ginette, menaçante. Mais quand la vieille dame se retourna, elle fut si surprise qu'elle lâcha la tarte brûlante sur son pied. La Mort hurla de douleur, sautilla, trébucha sur une haltère de Ginette qui traînait par terre, se rattrapa aux rideaux qui tombèrent avec elle...
Elle fut si vexée, qu'elle s'en alla en courant par la porte du jardin. Elle cria : 
- Je me vengerai Ginette!
Celle-ci explosa de rire, elle n'avait pas compris qu'elle l'avait échappé belle.

Elle venait de rajeunir de dix ans, mais ne l'avait pas encore remarqué...

( Posté par Eve Azouar et ses élèves.) 
( le chapitre 2 est ici)